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L'édito mai 2025

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Eclairer, partager, décloisonner, surprendre les nouvelles tendances, décrypter les signaux faibles…, autrement dit « Réveiller nos futurs », la proposition de la newsletter d’Auxilia. Prospective et réaliste, nous l’avons imaginée comme une source d’inspiration pour les territoires et les structures que nous accompagnons, quels qu’ils soient.

Adaptation climatique : quand modéliser ne suffit pas

Votre auteur et interlocuteurBertil DE FOS

Bertil DE FOS

Directeur général

Penser l’adaptation au changement climatique requiert de s’appuyer sur des projections, des trajectoires, des outils de modélisation et des débats d’experts. Mais les stratégies d’adaptation doivent avant tout permettre le débat être mis au service d’un débat démocratique. 

L’adaptation au dérèglement climatique s’impose aujourd’hui comme une priorité incontournable pour les territoires français. Les collectivités locales, en première ligne, sont invitées à planifier leurs réponses à ces défis dans le cadre notamment de la dynamique impulsée par le PNACC3 et l’accent mis sur l’adaptation dans la planification écologique nationale.

Pour les accompagner, des outils et méthodes – comme la méthode TACCT proposée par l’ADEME, qui insiste sur l’importance des trajectoires – sont déployés. Cependant, dans nos missions menées au sein des collectivités et des entreprises, nous constatons un risque lié à la technicité et à l’incertitude que produisent parfois ces démarches. 

Modéliserce n’est pas décider

Les modélisations climatiques et hydrologiques, si précieuses soient-elles, comportent un risque de dérive lorsqu’elles sont perçues comme des prédictions définitives. Il existe une tentation, parfois inconsciente, de croire qu’analyser les modèles équivaudrait à contrôler les aléas futurs. Or, prenons l’exemple concret d’une de nos missions sur le bassin versant de l’Isère : l’analyse du débit de cru d’un cours d’eau sur un territoire donné. Cinq modèles hydroclimatiques ont été mobilisés, et les résultats se sont révélés contradictoires – certains anticipaient une augmentation du débit, d’autres une stabilité, voire une diminution.

Quel usage faire de ces données ? Comment aider à la décision dans ce contexte ? Et comment mettre en débat cette incertitude avec les acteur.trices du territoire ? Présenter la médiane ou un intervalle de confiance ne suffit pas à saisir l’enjeu. Cette multiplicité de résultats souligne surtout que les modèles restent imparfaits, et qu’ils sont peu adaptés pour prévoir précisément les événements extrêmes – ceux qui provoquent les crises et nécessitent des décisions robustes.

Extrait du jeu sérieux MemEaury réalisé par Auxilia dans le cadre de la mission ”Prospective et Ressource en Eau, CD Isère, 2024”

Cette incertitude, si elle n’est pas appréhendée avec lucidité, comporte le risque que le débat soit confisqué par les expert.es, au détriment des autres parties prenantes, en particulier les élu.es locaux. L’adaptation ne saurait se résumer à un simple exercice de calculs, encore faut-il le connecter aux réalités politiques et sociales du territoire.

La prospectiveau service de la décision stratégique et politique

Chez Auxilia, nous défendons l’idée que les démarches d’adaptation doivent impérativement dépasser la projection mécanique de scénarios climatiques. La prospective, par ses méthodes, permet aux acteurs du territoire de mieux s’approprier les dimensions humaines, sociales, économiques des scenarios climatiques. L’approche par scenario, intégrant des variables clés, des signaux faibles, des facteurs critiques et des effets de seuil, complète la modélisation pour donner à voir des futurs possibles multiples, incertains mais éclairants. C’est en donnant à voir ces futurs possibles, qui ne sont pas que le résultat des modélisations mais qui intègrent les conséquences de ces modélisations sur les activités socio-économiques ou sur l’aménagement du territoire par exemple, que l’on peut véritablement aider à la décision.

Le débat politiqueau centre des décisions

Les stratégies d’adaptation sont avant tout des choix, parfois douloureux, dans un contexte où, pour reprendre le mot d’ Olivier Hamant, « notre seule certitude, c’est le maintien et l’ampification de l’incertitude ». Les stratégies d’adaptation doivent permettre d’arbitrer sur ce qu’il faut préserver à tout prix, et ce à quoi il fa.  Quels usages, quelles fonctions du territoire sont à préserver coûte que coûte ? Quelle partie du territoire faut-il accepter de ne pas protéger ? A quels projets faut-il renoncer, maintenant, au nom de l’adaptabilité de mon territoire ? On voit bien que ces arbitrages exigent l’appropriation par l’ensemble des acteurs du territoire, au premier rang desquels se trouvent les élu.es. Et on rappellera aussi que certains arbitrages peuvent être utilement instruits par les méthodes de la Redirection Ecologique (comme nous l’expliquions ici), mais c’est un autre sujet…

On invoque souvent le déficit de « sensibilisation » des élu.es. Mais (la plupart) des élus n’ont pas besoin d’être sensibilisés. Ils ont besoin, tout comme leurs habitants, leurs entreprises, leurs associations, qu’on leur fournisse des espaces de réflexion structurés, nourris rigoureusement par ce que la science sait dire et ne sait pas encore dire du futur. Ils ont besoin de scenarios alternatifs, qui donnent à voir ce que des choix différents produiront sur leur territoire, pour débattre et prendre des décisions qui engagent le futur. Une stratégie d’adaptation ne peut se réduire à une simple modélisation des risques. Elle exige de n’être pas cantonnée dans des instances expertes, mais être pleinement discutée par celles et ceux qui font et qui vivent le territoire.

Newsletter conçue par Margot Rat-Patron, Yohan Gaillard et Antoine Meyer Cartier, tous 3 chez Auxilia. Bravo et merci 🙂

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