Les résultats de la mission d’inspection, commandée en juillet 2021 par les ministères de l’Écologie, de l’Agriculture, et de la Recherche, ont été enterrés. Il a fallu que FNE saisisse plusieurs fois la Commission d’accès aux documents administratifs (Cada) pour les obtenir. Or la dissimulation entame la confiance des acteurs.
D’abord, cet épisode entretient un climat dans lequel les acteurs publics, au premier rang desquels se trouvent les élus, ne sont pas incités à une quelconque redevabilité, puisqu’au plus haut niveau de l’état, les échecs essaient d’être dissimulés.
Cela renforce également la défiance des acteurs économiques, qui ne croient plus dans les engagements des acteurs publics, puisqu’ils ne produisent pas d’effets. Or les entreprises, comme les agriculteurs, réclament de la prévisibilité en la matière: c’est la condition pour qu’ils adaptent leurs activités, leurs procédés, leurs approvisionnements…. En l’occurrence, l’écart entre les promesses et les actions entame cette prévisibilité, et complique donc la transformation des acteurs économiques (qui ne prennent plus au sérieux les annonces gouvernementales).
Cet épisode nourrit enfin un climat de défiance des électeurs à l’égard des acteurs publics (qui se paient de mots mais ne font pas preuve de ce « courage politique » tant invoqué) mais aussi à l’égard des acteurs économiques (certains agriculteurs, gros utilisateurs de produits phyto, qui réussissent à échapper aux contraintes). Or nos travaux sur l’acceptabilité des transformations écologiques le montrent bien : les français veulent que les efforts exigés par la transition écologique soient équitablement partagés entre tous…
Comme le soulignait Elinor Ostrom, dans une communauté, le capital social, dont la confiance en les institutions communes est la pierre angulaire, est un capital aussi précieux que le capital naturel. Dilapider ce capital, cela revient à compliquer l’action publique ultérieure. Or celle-ci sera déterminante pour conduire les profondes transformations économiques et sociales qu’exigent la transition écologique. Cette confiance est donc la victime collatérale de cet épisode malheureux.
Pour éviter ces dommages collatéraux, 2 propositions sont à considérer.
La première consiste à assurer que l’évaluation de tels plans soient suivis par des citoyens (par la mise en place d’un jury citoyen) ou par leurs représentants (auquel cas les résultats de la mission d’inspection devraient être présentés à une commission parlementaire), de façon à garantir la publicité des résultats.
La seconde consiste à considérer la confiance dans l’action publique comme un capital précieux, à préserver et même à restaurer. Nul ne conteste que l’action publique puisse échouer, mais ce sont les conditions de cet échec qui peuvent, ou non, entamer la confiance. La bifurcation écologique est faite (et le sera toujours davantage) de transformations profondes à engager. Toutes ne réussiront pas du premier coup. C’est pourquoi il est primordial que l’échec soit revendiqué comme une possibilité, et que l’ensemble des parties prenantes de l’action publique l’acceptent. En découle au moins deux corollaires: s’assurer d’une part que les constats d’échec soient tirés le plus rapidement possible et d’autre part qu’ils donnent lieu à des corrections efficaces.
Dans le cas des plans écophyto, les échecs à répétition depuis 2008 illustrent ce qui ne doit plus être fait. Au risque de compromettre les chances de réussite des autres transformations…