Bonjour Samuel. Tu as publié le mois dernier un essai pédagogique dédié à la surconsommation, après avoir publié en 2017 un ouvrage sur l’obsolescence programmée. Pourquoi ce livre en 2025 ?
Parce que la surconsommation est partout dans nos vies, mais nulle part – ou presque – dans les politiques de transition écologique. Or, elle n’est pas seulement due à l’obsolescence programmée : elle est également tirée par les besoins artificiels, par l’extension de l’offre, par la marchandisation ou par le low cost. J’en ai inventé un acronyme, le « Bémol », qui montre la pluralité des pousse-au-crime de la consommation.
Ainsi, si j’ai entrepris d’écrire ce livre, c’est qu’on passe souvent sous silence les émissions importées , qui sont pourtant considérables, pour ne pas remettre en question notre mode de vie matériel. Si nous avons une empreinte matières de 14 tonnes par personne aujourd’hui, contre un objectif de 5 selon les Nations Unies, c’est qu’il y a besoin de refonder notre promesse de développement sur autre chose que la consommation. Dans le livre, je montre à quel point le Français moyen est suréquipé – 99 appareils, 30 paires de chaussures, 6 écrans… – et que cette abondance a des impacts à la fois sur le climat, sur les ressources, sur la biodiversité, sur les déchets, etc. La société de surconsommation du XXIème siècle n’a rien à voir avec celle qu’on dénonçait déjà dans les années 1970, car la consommation est maintenant accessible partout, tout le temps, et rendue beaucoup plus accessible avec le règne du low cost !
Quelles sont les réponses que tu apportes pour en sortir ?
L’un des objectifs de l’ouvrage était de penser la répartition des réponses individuelles et collectives face au phénomène. La voie de la « consommation responsable », parfois trop facilement érigée en doxa, présente un certain nombre de promesses si l’on fait le tri entre petits et grands gestes. Si elle fait clairement partie du chemin, elle fait face à des obstacles que nous ne pouvons ignorer : le prix, le temps, l’influence de l’entourage, la difficulté de compréhension des impacts… Dès lors, il serait illusoire et contre-productif de faire reposer la solution sur les épaules du consommateur.
C’est pour cela que, face à un Bémol tiré par l’offre des entreprises, je propose un « Dièse » tiré par les politiques publiques. Celles-ci peuvent (et doivent !) Désarmer la publicité, Impulser un autre imaginaire, Encadrer la production, Soutenir les alternatives et Embarquer les acteurs. Ce nouvel acronyme permet de mettre l’accent sur la possibilité de mener des politiques cohérentes à moyen – long terme pour aller vers une déconsommation matérielle. Une « mise en musique » du changement nécessaire !
Dans ce contexte, la revendication du pouvoir d’achat n’est-elle pas paradoxale ?
Si, complètement. Elle s’érige en préoccupation centrale des Français.es, mais si nous y répondons uniquement par des gains de pouvoir d’achat, permettant donc d’acheter davantage, nous ne serons pas cohérents avec les objectifs de la transition écologique. Dès lors, l’ouvrage déconstruit la notion de pouvoir d’achat, le rebaptisant d’ailleurs « vouloir d’achat », en proposant des réponses qui permettent de sortir par le haut de ce dilemme, qu’il s’agisse de réduction des dépenses contraintes, de réduction des achats inutiles ou encore de pouvoir d’achat ciblé vers des produits vertueux. Selon moi, il s’agit d’une question centrale de notre époque.
Dans quelle mesure les projets menés avec Auxilia t’ont-ils inspiré ?
Fortement, car depuis 8 ans, j’essaie de pousser des stratégies d’économie circulaire ambitieuses partout en France. Ces retours d’expérience m’aident à mettre l’accent sur les politiques locales à déployer comme le nécessaire développement de ressourceries, de bricothèques ou de lieux de réparation. L’ouvrage s’est également nourri de missions concrètes, comme l’étude « Le commerce au défi de la transition écologique », nos retours d’expérience sur l’accompagnement de projets de ressourceries, ou encore nos réflexions avec l’ADEME sur la notion de « transition juste ».
En même temps, dans ces projets, je me suis heurté à l’impossibilité d’activer le levier de la régulation ou de la fiscalité au niveau local alors que ces éléments sont majeurs dans l’allongement de la durée de vie des produits. D’où mon insistance sur une politique nationale ou européenne pour paver le chemin de la déconsommation, en complément de politiques locales cohérentes.
Ouvrage publié aux Editions Rue de l’Echiquier.

Bonjour Samuel. Tu as publié le mois dernier un essai pédagogique dédié à la surconsommation, après avoir publié en 2017 un ouvrage sur l’obsolescence programmée. Pourquoi ce livre en 2025 ?

