GRAND FORMAT : Désartificialiser les rivières 1/6

Cette histoire de rivière est d’abord celle d’un dialogue territorial à replacer au cœur de l’action publique localeDans l’esprit d’un nouveau pacte avec le vivant, cette histoire rappelle aussi à quel point nos sociétés sont interdépendantes avec ces milieux et l’urgence de les restaurerÀ travers six articles, ce dossier plonge au cœur de l’aménagement des rivières et décrypte les enjeux écologiques, sociaux et économiques de leur désartificialisation. Nous y partageons des retours d’expérience issus de nos missions de conseil.

Article #1, on revient aux fondamentaux : pourquoi désartificialiser une rivière ? Un tour d’horizon des impacts, des fonctions écologiques clés et des enjeux pour les territoires.

Votre auteur et interlocuteurArnaud THOMAS

Arnaud THOMAS

Consultant Senior Eau & biodiversité

Restaurer le cours naturel des rivières : comprendre les enjeux de la déartificalisation

Depuis toujours, nos sociétés ont modifié les rivières et le cycle de l’eau.

Nos sociétés ont toujours modifié les rivières et les fleuves en fonction des représentations sociales portées sur ces milieux et des intérêts associés à la maîtrise de l’eau. Dès l’Antiquité, puis au Moyen Âge, les moulins à eau servaient à moudre le blé pour produire de la farine et apportaient l’énergie mécanique nécessaire au fonctionnement d’une diversité d’activités artisanales. Plus tard et tout particulièrement au cours des 19ème et 20ème siècles, nos sociétés ont continué à modifier les cours d’eau dans le but d’améliorer les conditions de navigation, de développer l’hydroélectricité, d’optimiser les surfaces agricoles et de favoriser le développement de l’urbanisation. A ces aménagements sur les lits des cours d’eau, s’ajoutent les impacts de l’artificialisation des sols sur le cycle de l’eau, affectant la capacité de recharge des nappes et accentuant les phénomènes de ruissellement, favorisant les inondations et les transferts de polluants vers les milieux naturels.  

Des rivières remodelées, déconnectées… et fragilisées

L’artificialisation des milieux aquatiques continentaux s’est traduite à la fois par la construction d’ouvrages hydrauliques en travers des cours d’eau (seuils, vannes de moulins, barrages, etc.) et par des opérations visant à modifier plus ou moins profondément le cours des rivièresvoire à les effacer (endiguement, recalibrage du profil des berges et du lit des cours d’eau, déplacement et enterrement des cours d’eau). D’une part, ces aménagements ont eu des impacts considérables sur le fonctionnement naturel des cours d’eau en modifiant leur morphologie (leur tracé naturel), leur fonctionnement hydrologique (l’écoulement de l’eau, son débit naturel) et leur biologie (notamment les conditions de circulation et de reproduction des espèces). D’autre part, ils ont aussi souvent déconnecté les cours d’eau des réservoirs avec lesquels ils sont normalement interdépendants, en particulier les nappes et les milieux humides.

Pour aller + loin, lire notre article « Quels leviers pour la protection des zones humides ? ».

Redonner aux rivières leurs rôles écologiques

Un cours d’eau en bon état fournit de multiples services écosystémiques qu’il ne parvient plus à assurer lorsque celui-ci est fortement anthropisé. On distingue généralement 4 grandes fonctions. Les projets de restauration écologique des cours d’eau visent à restaurer une ou plusieurs de ces fonctions.

Les fonctions hydrologiques

Un cours d’eau en bon état sur le plan hydrologique est capable de limiter les crues en stockant l’eau quand son niveau augmente, de fertiliser les sols environnants et de contribuer à la recharge des nappes. Ces fonctions dépendent pour beaucoup de la bonne morphologie du cours d’eau et du libre écoulement de l’eau sur l’ensemble de son parcours mais aussi latéralement. Elles constituent une partie de la réponse aux impacts du dérèglement climatique sur les ressources en eau 

  • Retrouver un débit naturel : les plans d’eau installés sur cours d’eau ou sur source en tête de bassin versant, peuvent fortement impacter le débit d’un cours d’eau à l’aval de ces ouvrages.
  • Redonner aux cours d’eau un espace de divagation : l’endiguement des cours d’eau et l’artificialisation du lit majeur réduisent les échanges latéraux et l’espace de bon fonctionnement des rivières, nécessaire notamment à la régulation naturelle des crues.

Les fonctions biogéochimiques

Elles désignent la capacité d’un cours d’eau à améliorer naturellement la qualité de l’eau. Elles dépendent notamment de la végétation des berges et des sédiments qui assurent un rôle de filtre, mais aussi de la morphologie du cours d’eau et des dynamiques d’écoulement.

  • Revégétaliser les berges : la végétation rivulaire stabilise les berges, filtre les polluants, limite le réchauffement de l’eau et favorise la biodiversité.
  • Renaturer le lit du cours d’eau : les techniques de reméandrage permettent de restaurer un tracé plus naturel et une diversité d’écoulements, favorables à l’oxygénation et à la qualité de l’eau.

Les fonctions écologiques

Les milieux aquatiques et humides servent d’habitat aux espèces aquatiques et terrestres. La présence de poisson migrateur dans nos rivières est un indicateur du bon état biologique de ces milieux

  • Restaurer la continuité écologique des cours d’eau : l‘accumulation d’ouvrages en travers fragmentent les cours d’eau et bloquent les migrateurs dont certains sont inscrits sur la liste rouge des espèces menacées. La circulation amont-aval est pourtant essentielle à leur cycle de vie.
  • Restaurer les zones humides : près de 40% des espèces terrestres dans le monde dépendent des zones humides. Celles-ci constituent des réserves de biodiversité, en plus de servir de puits de carbone, de réguler le cycle de l’eau et de favoriser l’infiltration de l’eau dans les sols.

Les fonctions paysagères et récréatives

La demande sociale de nature augmente dans la population française. La restauration des cours d’eau peut contribuer à répondre à ce besoin et être motivé en partie par l’amélioration du cadre de vie des riverains. Comme d’autres éléments naturels, les cours d’eau possèdent une valeur esthétique, récréative et culturelle. Depuis quelques années, les villes réimaginent leur manière de vivre avec les cours d’eau et les replacent progressivement au cœur de l’aménagement urbain.

  • Remettre à ciel ouvert les cours d’eau enterrés : si certains cours d’eau en milieu urbain avaient été réduits, par le passé, à un système d’évacuation puis enterrés pour contenir les problèmes sanitaires, de nombreux projets voient le jour pour rouvrir ces cours d’eau et en faire des aménités environnementales à part entière dans les centres-villes.
  • Restaurer les berges des cours d’eau : certains cours d’eau ont été fortement endigués dans leur traversée urbaine. Certains projets de restauration écologique intègrent une dimension paysagère importante avec l’ambition de refavoriser l’accessibilité des rivières et d’en faire des espaces de promenades et de loisirs.

La désartificialisation des cours d’eau n’est pas un simple retour à la nature : c’est une réponse opérationnelle aux défis actuels de gestion de l’eau, de préservation de la biodiversité, de résilience des territoires et de qualité de vie. Comprendre les fonctions écologiques des rivières, c’est poser les bases d’une action publique plus efficace, plus cohérente… et mieux acceptée.

Vous souhaitez engager une action de restauration écologique, travailler avec les propriétaires de plans d’eau et initier une démarche de dialogue territorial, contactez Arnaud Thomas, notre expert Eau & biodiversité et Docteur en Sciences sociales de l’eau.

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