L’Art de patauger : redécouvrir les sols perméables dans le paysage urbain

La gestion intégrée des eaux pluviales et la végétalisation des espaces publics conduisent à désimperméabiliser les places, cheminements et espaces publics. La présence de l’eau en milieu urbain, en centre-ville ou centre bourg, va se renforcer dans les prochaines années. Le sol et la terre vont ainsi pouvoir resurgir en lieu et place des surfaces lisses et immaculées que nous connaissons actuellement. A l’aune de ce changement, à quels défis se confronte l’urbanisme ? 

Votre interlocutricePauline JACQUET

Pauline JACQUET

Cheffe de projets Senior Urbanisme, eau et biodiversité
Votre interlocutriceAnastasia TYMEN

Anastasia TYMEN

Responsable de l'expertise Urbanisme
Votre interlocutriceStelly LEFORT

Stelly LEFORT

Directrice d'Expertise Eau & biodiversité et de l'agence de Bordeaux

 Le paradoxe d’un urbanisme perméable

Bien que ce soit la valeur esthétique et paysagère de l’eau qui soit principalement mise en avant dans les « nouveaux » aménagements urbains (jardins aquatiques, aménagement des berges …), elle peut aussi se traduire par des manifestations beaucoup moins oniriques telles que des flaques, des mares, de la bouillasse ou de la gadoue.

Les urbanistes sont alors face à une contradiction fondamentale : réintégrer la « nature » en ville alors que le principe premier de l’urbanisation est d’effacer les phénomènes naturels qui nuisent à la bonne fonctionnalité des espaces publics (vent, flaques, verglas, crues, présence de matière organiques comme des feuilles mortes, mousses, etc.). Dans nos villes modernes et « fonctionnelles », le promeneur ne perçoit plus les effets climatiques, saisonniers ou biologiques.

L’urbanisation à travers les âges : entre confort urbain et nature maitrisée

Au début du XIXe siècle, les premières rues modernes ont été aménagées pour éviter aux piétons les collisions avec les véhicules, mais également pour ne plus subir les « boues putrides » et la poussière des rues d’alors. En 1945, le pavage des trottoirs et l’adoption du profil de voirie en bombé, avec un écoulement sur les côtés, a constitué une véritable révolution dans la conception urbaine. Les chaussées des « Souliers Crottés » ont laissé place nette à l’urbanisme des « Chaussures Propres ». Seuls les parcs et jardins, dans une philosophie de nature maitrisée, ont su conserver leurs allées en terre.

Faire coexister les usages modernes et les défis de la renaturation

La réintégration d’éléments semi-naturels dans le tissu urbain va conduire à l’évolution des rapports sociaux avec cet environnement dénaturé. La gestion différenciée des parcs publics et espaces plantés nécessite actuellement de grands efforts de pédagogie pour faire oublier les représentations et qualificatifs de « délaissé », « en friche », « non entretenu » et « sale ». Est-ce que le retour de flaques et de la gadoue fera l’objet des mêmes réticences ? Il est fort à parier que oui. Tout citadin moderne cherche à tout prix à éviter de se salir, baskets blanches obligent, et une grande majorité des parents empêche les enfants de jouer au milieu des flaques.

Laisser un espace circulé ou fréquenté avec un revêtement perméable, qu’il soit en terre, en mulch, sableux ou en gravier pose également la problématique de l’accessibilité à tous, notamment en période de fortes pluies. Ces types de sols ne sont pas réglementaires au regard de la loi Handicap de 2015, contrairement à l’enrobé ou au stabilisé, drainants et infiltrants.

Un dialogue local pour mieux plonger

Perméables, esthétiques ou accessibles, l’aménagement de nos futurs espaces publics pourrait donc davantage tenir à des choix sociétaux qu’à des solutions techniques innovantes : quelle eau souhaite-t-on voir en milieu urbain ? à quel endroit et pour quels usages ? que décide-t-on de drainer, de stocker, d’adapter ou de relocaliser ?

Au sein des équipes d’Auxilia, ce sujet à l’interface des solutions techniques et des usages sociaux nous intéresse tout particulièrement. Favoriser l’expression de la maitrise d’usage multiple dans l’élaboration des projets et accompagner les citoyens dans l’évolution de leur environnement du quotidien est l’une de nos missions premières. Ces arbitrages seront le résultat d’un dialogue local sincère, et prenant en compte les caractéristiques urbaines, géographiques et sociales de chaque quartier. Il n’existe pas de « meilleure solution » a priori.

Pour en savoir plus, découvrez l’expertise urbanisme chez Auxilia.
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