Montagne ou campagne : libérez vos territoires de la voiture individuelle ?

Chaque mois jusqu’aux élections de mars 2026, Auxilia publie une idée concrète et inspirante pour aider les candidat·es à construire des programmes municipaux à la hauteur des urgences écologiques. Ces propositions sont issues de notre travail de terrain, de nos accompagnements de collectivités, et de notre veille des initiatives les plus audacieuses.
Idée #2 : la dépendance à la voiture individuelle n’est pas une fatalité en milieu rural. Plusieurs solutions de mobilité complémentaires peuvent être mises en place sur des territoires peu denses.

Votre autrice et interlocutriceClara COORNAERT

Clara COORNAERT

Cheffe de projets Mobilités

En mobilité, on oppose souvent les zones urbaines denses, où l’offre de mobilité alternative est foisonnante et extrêmement variée (transports en commun, vélo, voiture individuelle, autopartage, covoiturage, glisse urbaine, etc.) aux zones péri-urbaines et aux zones rurales, où ne pas posséder de voiture entraîne un isolement forcé et empêche d’accéder aux services les plus élémentaires (soins, commerces, accès aux droits, etc.) Si ce constat est en grande partie vrai, l’autosolisme est loin d’être une fatalité en zone rurale ! L’alternative passe par la mise en place d’un véritable écosystème de services de mobilité. Explications.

Zones rurales : le taux de motorisation bat des records

En France, le secteur des transports est celui qui contribue le plus au changement climatique, puisqu’il représente 31 % des émissions de gaz à effet de serre du pays. Au sein du secteur des transports, c’est la voiture individuelle qui pèse le plus lourd avec 16 % des émissions de la France. Réduire la place de la voiture et favoriser les mobilités alternatives, c’est donc contribuer à limiter les effets du changement climatique, mais aussi permettre à des personnes empêchées de conduire, en raison de leur état de santé, de leur âge ou encore de ressources financières limitées, de se déplacer.

En France, la voiture, tous déplacements confondus, représente plus de 60 % de nos mobilités, en nombre de trajets, en temps de transport ou en distance parcourue[1]. Le taux de motorisation est cependant bien différent d’un territoire à l’autre. Si la moyenne était de 84 % en 2018[2], 94 % des ménages vivant en zone rurale possèdent une voiture contre 67 % dans l’agglomération parisienne. La dépendance à la voiture est logiquement forte dans des territoires où l’accès aux commerces et services nécessite de parcourir des dizaines de kilomètres et où les solutions alternatives, et notamment les transports en commun, sont peu ou pas développées.

Réduire l’autosolisme : jouons la carte de la complémentarité

Nous le constatons chaque jour dans les territoires que nous accompagnons, mettre en place un panel de solutions de mobilité alternatives à la voiture individuelle n’est pas réservé aux territoires urbains.

Notre accompagnement récent de la Communauté de communes de la vallée de l’Ubaye Serre-Ponçon (CCVUSP), dans le département des Alpes de Haute-Provence, en est un excellent exemple. Sur ce territoire montagnard peu dense et très étendu, la voiture est dans la majorité des cas nécessaire pour accéder aux services et aux commerces présents à Barcelonnette, ville-centre ou à Gap. Cependant, dans une enquête récente réalisée sur le territoire[3], 56,8 % des personnes interrogées ont déclaré avoir dû renoncer à un service au cours de l’année passée à cause d’un problème de mobilité. C’est ce chiffre qui a décidé la Communauté de communes à se pencher sur la mise en place d’un service de mobilité adapté aux besoins du territoire.

Grâce à un accord-cadre confié à Auxilia par la Région Sud, nous sommes intervenu.e.s auprès de la CCVUSP entre janvier et juin 2025. Après immersion et échanges locaux, l’idée d’une solution unique de mobilité partagée (comme le transport à la demande) a vite été écartée : impossible de couvrir tous les besoins avec un seul dispositif.

La bonne solution dépendait de plusieurs facteurs :

  • Le type de trajet : domicile-travail, loisirs, soins…
  • La configuration du territoire : isolé, vallonné, ou proche d’un centre-bourg
  • Le public concerné : seniors, jeunes, actifs…

Ce sont au final quatre solutions complémentaires qui vont être mises en place de façon combinée sur le territoire :

  • un transport à la demande (TAD) régulier, qui desservira la partie du territoire où les cars régionaux circulent peu ou pas ;
  • un transport d’utilité sociale (TUS) afin d’accompagner notamment les seniors et les personnes les plus isolées en porte-à-porte ;
  • un service d’autopartage disponible pour tous les habitant.es et même pour les touristes, nombreux en Ubaye – ce dernier permettra notamment de répondre à des besoins de mobilité ponctuels et pourrait à terme remplacer l’usage d’une seconde voiture dans de nombreux foyers – ;
  • enfin, pour les personnes les moins mobiles, un dispositif de mini-marché itinérant en appui sur les commerçants locaux sera organisé sous la forme d’une tournée régulière sur l’ensemble des communes.

Mais comment financer un système de mobilité multi-services ?

Sur un territoire peu dense, mettre en place plusieurs services de mobilité en un temps très court semble complexe sur le plan financier. Néanmoins, des financements publics et privés sont mobilisables. Ainsi le Fonds vert, les fonds régionaux, des fonds européens comme LEADER ou encore des programmes portés par des associations, comme le programme Croix-Rouge Mobilités qui permet notamment de financer l’achat de véhicules, peuvent aider à la finalisation du tour de table en finançant de l’investissement ou du fonctionnement. A titre d’exemple, la CCVUSP a obtenu une subvention de la Région Sud lui permettant de financer une navette de 7 places afin d’assurer son service de Transport à la Demande (TAD).

Ces solutions doivent être déployées rapidement : leur complémentarité est la clé. Si l’une manque, c’est tout l’écosystème qui peut s’enrayer. D’autant que certaines solutions peuvent en porter d’autres, une voiture en autopartage pouvant par exemple être réservée pour un trajet de transport d’utilité sociale.

C’est bien la « force de frappe » du dispositif qui en fait son intérêt et permettra son adoption massive par les habitant.es.

En outre, pour les territoires ayant pris la compétence mobilité, la levée du versement mobilité permet de financer des services de mobilité du territoire. L’AOM (Autorité organisatrice de mobilité) fixe alors le taux unique qui s’appliquera aux employeurs d’au moins 11 salarié.es sur l’ensemble de son ressort territorial. Par ailleurs, pour les publics de la mobilité solidaire plus spécifiquement, le recours à des opérateurs privés de mobilité solidaire, comme Wimoov, peut permettre aux territoires de se faire accompagner pour répondre aux besoins des nombreuses personnes en précarité mobilité[4] (personnes en insertion, seniors, jeunes, etc.).

Permettre à toutes et tous de se déplacer en milieu rural, d’avoir accès aux services et donc à leurs droits, c’est assurément une mesure primordiale. Alors, Mesdames et Messieurs les candidat.es, qu’attendez-vous pour travailler à cette mesure dans votre programme ?

Parlons-en ! clara.coornaert@auxilia-conseil.com


Idée #1 : Livraisons, cantines, restos : comment faire basculer son territoire vers le zéro plastique – Auxilia Conseil


[1] Aurélien Bigo, Voiture fake or not, 2023 
[2] Source INSEE, Tableaux de l’économie française, Edition 2020 
[3] Etude ADRETS, 2021
[4] Selon le Baromètre des Mobilités du Quotidien (BMQ) 2024 de Wimoov, auquel a participé Auxilia, 15 millions de Français.e.s sont en précarité mobilité. Ce chiffre correspond à 5 millions de personnes « n’ayant accès à aucun équipement de transport à titre individuel », auxquelles Wimoov ajoute 10 millions de Français qui seraient concernés par un « indicateur précarité ». 


Cet article a été publié dans notre newsletter Réveiller nos futurs de juillet 2025 consultable ici

 

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