On parle souvent du changement climatique comme d’un horizon lointain, difficile à saisir. Pourtant, ses impacts sont déjà bien là — concrets, visibles, violents.
L’été 2022, 32 000 hectares du massif des Landes de Gascogne sont partis en fumée. Janvier 2025, Rennes est submergée par des inondations hivernales historiques. Juin 2024, une coulée de boue emporte le village de La Bérarde, au cœur du massif des Écrins. Chaque territoire est touché à sa manière. Loin d’être exhaustif, ce constat rappelle une évidence : il est temps de territorialiser les impacts climatiques pour mieux s’y préparer. Car agir à l’échelle locale commence par une base de connaissance solide, fondée sur des données fiables.
À Mulhouse et Caluire-et-Cuire, via la méthode TACCT, sur 25 sites touristiques en Nouvelle Aquitaine et Hauts-de-France, aux côtés de l’ADEME, et plus récemment sur les bâtiments publics de la Région Sud, Auxilia a accompagné récemment ces collectivités avec une approche similaire : rendre la transition écologique des territoires juste, opérationnelle et territorialisée.
Etape #1 : Identifier les aléas climatiques et territorialiser leurs impacts
Un diagnostic de vulnérabilité climatique, nom donné à la territorialisation des impacts climatiques, est la porte d’entrée vers l’action ciblée et adaptée. Il se réalise méthodologiquement sur la base de données scientifiques (Météo France, DRIAS, …), d’entretiens avec les acteurs territoriaux et d’analyses bibliographiques (articles de presse, documents d’urbanismes…).
Plusieurs paramètres sont alors évalués :
- Le degré d’exposition actuel et futur aux aléas climatiques (augmentation des températures annuelles et saisonnières, nombre de jours ou cumul des précipitations, …),
- La sensibilité du territoire étudié à ces impacts climatiques selon les caractéristiques préexistantes et sa capacité d’adaptation vis-à-vis des impacts climatiques par la consolidation des hypothèses émises par des avis d’experts (entretiens d’usagers, ateliers services, acteurs économiques, …).
- Le croisement de ces deux composantes nous permet d’estimer la vulnérabilité du territoire aux impacts du changement climatique.
Ce premier constat pragmatique permet l’acculturation et l’appropriation locale de la vulnérabilité.
Etape #2 : Approfondir la sensibilité du territoire au risque climat en identifiant des publics vulnérables
Lorsqu’un aléa climatique survient, les projecteurs se braquent (à juste titre) sur les publics ou les filières touchés. Mais bien souvent, l’analyse des causes structurelles de la vulnérabilité passe au second plan.
Les titres de presse régionale en témoignent :
« On n’a plus de chauffage ni d’électricité. On s’est réveillés avec de l’eau jusqu’aux hanches » – Reporterre, 2025
« Depuis samedi et les précipitations importantes de la tempête Herminia, le quartier des prairies Saint-Martin, au bord du canal d’Ille-et-Rance, a les pieds dans l’eau, entraînant l’évacuation préventive de certaines rues, soit quelque 400 personnes. » – Ouest France, 2025
« Les feux ont aussi eu un impact d’ordre financier. » – Sud-Ouest
« Lundi 21 novembre 2022. le parking de la dune du Pilat a dû être fermé du 13 juillet au 5 août 2022 et n’a rouvert que partiellement. Cela doit entraîner un manque à gagner de l’ordre de 326 000 € jusqu’en 2023, selon le Syndicat mixte responsable de sa gestion. » – Ouest France, 2022
« Les habitants n’ont jamais vu ça. 97 personnes du hameau La Bérarde, coupé du monde, ont été héliportées vers les Deux Alpes. » – Ouest France, 2024
Les aléas, qu’ils soient diffus ou aigus, ont des incidences directes sur le fonctionnement des territoires et la vie des riverains. Ils remettent en question notamment la viabilité des structures, le maintien des activités économiques, l’identité du territoire, la pérennité de ses paysages ou encore la santé des populations. Autant de problématiques soulevées qu’il est nécessaire d’anticiper et auxquelles une collectivité doit pouvoir répondre en cas de crise, par souci de responsabilité et de transparence auprès des usagers.
La caractérisation de chaque impact doit alors considérer :
- Sa gravité : le site ou le territoire est-il fortement touché ?
- Son extension : quelle partie du territoire, du site ou de la filière est concernée par cet impact ? Quelle part de la population ?
- Son urgence : l’impact a-t-il été déjà ressenti sur le territoire, si non à quel horizon temporel ?
C’est en cela que nos diagnostics de vulnérabilité prennent tout leur sens. Cette lecture croisée permet de prioriser les zones et les publics les plus exposés, en tenant compte de leur capacité réelle à encaisser ou anticiper ces chocs.
Mais tout le monde n’a pas les moyens de “revendre sa maison” comme ironise Fabrice Luchini.
Moi, j’ai revendu ma baraque parce que le mec m’a dit que dans douze ans, il n’y aura plus d’Île de Ré.
Or, l’adaptation ne peut être un privilège, elle doit être pensée comme un levier de justice climatique territoriale. C’est tout l’enjeu pour les collectivités et les sites que nous accompagnons : concentrer les efforts sur les publics les plus vulnérables ou marginalisés, tout en assurant la continuité des services et du tissu économique local. C’est aussi le sens du consensus scientifique, « Les communautés les plus vulnérables aux impacts du changement climatique sont également celles qui subissent déjà les inégalités sociales, économiques et environnementales. », Lavorel S. Torre-Schaub M., 2023.
Etape #3 : Activer le mode opérationnel en s’équipant d’un plan d’actions climat
Après le constat potentiellement paralysant des vulnérabilités climatiques, vient le temps de la concertation et de l’intelligence collective, par l’animation d’ateliers pour :
- Redonner son rôle à l’élu local pour définir ce qui doit être conservé, là où les pertes sont inacceptables, mais aussi là où les renoncements sont possibles,
- Considérer les contraintes et les atouts du site ou du territoire,
- Identifier les actions qui répondent aux impacts relevés
- Y associer les services et les personnes qui porteront ensuite ces engagements stratégiques et opérationnels.
Les actions d’adaptation envisagées sont ensuite passées au crible de critères de faisabilité et de priorisation : à quel(s) impacts(s) l’action répond-elle ? Quels sont les dommages évités ? Avec quelle efficacité ? L’action contribue-t elle aussi à la limitation des émissions de gaz à effet de serre, à la sobriété énergétique ? A la préservation de la biodiversité ? Est-elle fondée sur la nature ? Accentue-t-elle notre vulnérabilité à un autre impact du changement climatique ?
Cette adaptation doit se penser à des horizons temporels différents, selon l’urgence de chaque impact et l’inertie, voire la réversibilité de chaque levier d’adaptation.
Par exemple pour s’adapter à l’intensification des canicules, un site touristique pourra agir sur les ombrages et la végétalisation de ses abords et zones d’attentes. Des actions temporaires intermédiaires et complémentaires pour “traiter l’urgence” peuvent être envisagées, comme l’élaboration d’un plan de continuité d’activité avec une adaptation des parcours et des horaires de visites.
Notre rôle est aussi de prioriser : distinguer les solutions de première nécessité, qui répondent à l’urgence, des réponses de long terme, plus systémiques, sans opposer les deux. Car ce sont souvent les populations les plus vulnérables qui subissent les délais de mise en œuvre.
Enfin, une fois le plan d’action finalisé, il faut alors passer au concret, et nous accompagnons alors les acteurs vers l’opérationnel en proposant par exemple un appui à la sélection des essences d’arbres, à la préfiguration de plans de continuité, à la rédaction de cahier des charges via des exercices de mise en situation de crise. Ce sont ces premières étapes qui font que l’adaptation se met réellement en route sur les territoires.
Focus : certains territoires sont déjà particulièrement précurseurs sur ces questions d’adaptation, de par leurs enjeux géographiques et économiques. Nous accompagnons avec l’ANCT la commune de Chamrousse sur l’évaluation environnementale de ses aménagements 4 saisons, la Communauté de Communes Vosges Côté Sud-Ouest sur sa diversification touristique d’ici 2035, ou encore 3 communes ardéchoises sur leur gestion forestière à repenser avec le changement climatique (Banne, Malbosc et Saint-Paul-Le-Jeune).
Vous l’aurez compris, l’adaptation des territoires et des structures au changement climatique doit se faire sur les principes d’une transition juste, et nous œuvrons en ce sens dans nos missions.
Vous préparez votre prochain mandat municipal ? Vous êtes déjà engagé.e dans une stratégie d’adaptation locale que vous souhaitez poursuivre ? Echangez avec Flavie Berdu ou Quentin Herbet, nos experts Energie & climat.
Sources
Ravagée par les incendies, la Gironde reprend vie. Reporterre, avr 2025
À Rennes inondée, on a « peur pour la suite ». Reporterre, avr 2025
VIDÉO. Rennes : une crue exceptionnelle, qui rappelle celles de 1981 et 1974. Ouest France, janv 2025
Dune du Pilat. Un manque à gagner estimé à plus de 326 000 euros à cause de l’incendie de cet été. Ouest France, nov 2022
EN IMAGES. Un petit village des Alpes ravagé par les eaux… D’impressionnantes crues frappent l’Isère. Ouest France, juin 2024
Les dernières vacances de Fabrice Luchini avant l’engloutissement de l’Île de Ré sous les eaux. Le Figaro, octobre 2023
« La justice climatique : prévenir, surmonter et réparer les inégalités liées au changement climatique », Sabine LAVOREL, Marta TORRE-SCHAUB, Éditions Charles Léopold Mayer, 2023
Adaptation au changement climatique : l’ADEME accompagne 25 sites touristiques. ADEME Infos
Cet article a été publié dans notre newsletter Réveiller nos futurs de décembre 2025 consultable ici.
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