Et si le prochain mandat municipal ne se jouait plus sur le béton coulé, mais sur l’existant régénéré ?
Face à l’urgence climatique et à la fin de l’abondance foncière, les élu·es locaux n’ont plus besoin de construire pour transformer leur territoire. Réhabiliter, intensifier, transformer : ces trois postures dessinent une nouvelle approche de l’urbanisme municipal. À travers trois projets inspirants, découvrez comment la sobriété foncière peut devenir le levier central d’un mandat engagé, pragmatique… et gagnant.
Introduction à une nouvelle approche de l’urbanisme municipal
Longtemps, l’adage du « maire bâtisseur, maire battu » a résonné dans la sphère politique locale, cristallisant la crainte d’un électorat réticent aux grands chantiers et aux constructions nouvelles dans leur quartier. Critiqué par les promoteurs et les bailleurs comme un frein à la construction de nouveaux logements, il a monopolisé le débat sur les imaginaires et les choix pour un.e maire face à la définition de son projet de mandat[1]. Pourtant, à l’heure où la sobriété foncière et la transition écologique deviennent des impératifs, il est temps de proposer d’autres récits, porteurs d’une relation différente aux ressources du territoire et aux besoins des citoyen.nes.
C’est dans cette perspective qu’Auxilia s’adresse aux futurs candidats et candidates aux élections municipales. Plutôt que l’étalement urbain et l’inauguration de nouveaux équipements, pourquoi ne pas miser sur la réhabilitation et la transformation du patrimoine bâti, l’intensification des usages du patrimoine immobilier ou la transformation des bâtiments afin qu’ils s’adaptent aux besoins qui évoluent ?
En s’appuyant sur trois projets lauréats aux Trophées de la Sobriété Foncière et Immobilière, nous proposons trois nouveaux imaginaires pour les futurs projets de mandat.
Partie I – Le maire réhabilitateur
Réhabiliter pour redonner vie à des bâtiments inutilisés ou abandonnés
Et si le prochain grand récit d’un mandat municipal était celui d’une commune qui choisit de réinventer son avenir sans toucher à un mètre carré supplémentaire de sol naturel ? Nous lançons ce défi aux candidat·es : faire le pari de la réhabilitation du patrimoine bâti. Il s’agit d’utiliser les ressources existantes, de révéler le potentiel des friches oubliées, des bâtiments délaissés, des locaux sous-utilisés et de répondre aux besoins de la population sans contribuer à l’artificialisation des terres naturelles et agricoles.
Pourquoi miser sur la réhabilitation ? Parce que chaque espace déjà bâti, chaque mètre carré de patrimoine est une opportunité de créer, d’accueillir, d’héberger les initiatives citoyennes et associatives, de soutenir l’économie locale et d’offrir de nouveaux services sans consommer davantage de territoire. Réhabiliter, c’est agir pour l’environnement, préserver la biodiversité, mais aussi réanimer la mémoire des lieux.
L’exemple de la Communauté de Communes de Falaise en Normandie nous inspire. Face à une friche commerciale, la collectivité a choisi de transformer un espace inutilisé en un pôle dynamique accueillant quatre structures de l’Économie Sociale et Solidaire. Grâce à une forte mobilisation de financements publics (État, Région, Département, ADEME, Agence de l’Eau), le projet a permis de recréer de la valeur, de générer de l’emploi et d’ouvrir de nouvelles perspectives de développement – tout en respectant les ressources du territoire. En particulier, le projet a réussi à sauvegarder les structures existantes (charpentes métalliques et bois), intégrer des matériaux de réemploi, tout en garantissant un niveau optimal de performance énergétique et l’installation de panneaux photovoltaïques et de deux systèmes de récupération d’eaux pluviales.
Partie II – Le maire intensificateur
Intensifier, pour optimiser et mutualiser l’usage des espaces existants
Et si le défi du prochain mandat municipal consistait à révéler et à valoriser le potentiel caché dans les bâtiments existants, en intensifiant leurs usages plutôt qu’en bâtissant du neuf ? Nous invitons les candidat·es à oser l’intensification, c’est-à-dire à repenser l’utilisation des espaces existants et sous-occupés afin d’accueillir davantage d’usages, d’activités et de services au cœur du patrimoine immobilier déjà présent sur la commune.
Pourquoi miser sur l’intensification des usages ? Parce que de nombreux bâtiments, équipements ou locaux ne sont utilisés qu’une partie du temps ou de la journée, créant un foncier « invisible ». Mutualiser, optimiser ou partager ces espaces permet d’éviter la construction de nouveaux bâtiments, de préserver les terres naturelles tout en offrant plus de services à la population. C’est aussi une façon de renforcer le lien social, de dynamiser la vie locale et d’inscrire la sobriété foncière dans le quotidien de chacun·e.
L’exemple de la ville de Rennes illustre parfaitement ce principe. Grâce à la démarche originale de son Bureau des temps, la ville a mené un diagnostic temporel de l’usage des écoles, puis organisé des ateliers de co-conception avec les acteur·rices d’une école. Trois scénarios ont ainsi été étudiés : optimisation des espaces communs, mutualisation de certaines salles et ouverture de l’école à une association hors temps scolaires. Cette approche innovante, fondée sur la chronotopie (l’articulation entre le temps et l’espace), a permis d’éviter la construction de 200 m² de nouveaux bâtiments, tout en améliorant la qualité de service et le dynamisme du quartier.
Partie III – Le maire transformateur
Transformer pour adapter les formes urbaines aux évolutions des besoins
Et si le prochain défi des candidat·es aux élections municipales était d’imaginer une commune capable de s’adapter en continu aux évolutions de la société, en transformant les bâtiments existants pour répondre aux besoins changeants des habitant·es ? Nous invitons les futur·es élu·es à relever le pari de la transformation, en anticipant et en accompagnant la mutation des usages plutôt que de subir la sous-occupation du patrimoine immobilier.
Pourquoi miser sur la transformation ? Car les modes de vie, de travail et d’habitat évoluent rapidement, tandis que la structure du bâti reste souvent figée. Adapter le patrimoine bâti permet de libérer du potentiel, d’éviter le gaspillage d’espaces et de proposer des réponses sur mesure aux attentes du territoire. Transformer, c’est stimuler la mobilité résidentielle, mieux utiliser les immeubles d’entreprise existants, et inscrire la transition foncière dans la durée.
L’exemple du Grand Poitiers et de la commune de Lusignan illustre concrètement cette approche. Avec l’appui du cabinet GUAM, la collectivité a expérimenté la création de nouveaux types de logements adaptés aux besoins des ménages occupant des habitations devenues trop grandes. Ces logements ont été produits en réhabilitant une friche en centre-ville à Lusignan. L’offre nouvelle de résidences plus petites, mais de qualité similaire, a permis à ces ménages de déménager tout en libérant des grands logements accessibles à d’autres familles. Résultat : de grands logements déjà présents sur le territoire sont réinvestis, limitant la production de bâtiments similaires à ceux présents sur le territoire et diversifiant l’offre.
La transformation de la friche lance un cercle vertueux d’intensifications de l’existant, avec des logements sous-occupés qui sont rénovés et mis à disposition de nouveaux ménages.
Et si vous faisiez de votre mandat un terrain d’exploration des récits de demain ?
Face aux défis actuels de l’aménagement et de l’urbanisme, le maire bâtisseur restera selon nous encore battu. De nouveaux exemples émergent et ouvrent la voie à d’autres possibles. Des nouveaux récits restent à inventer et ils peuvent débuter sur votre territoire.
Nous accompagnons les municipalités et collectivités françaises à imaginer les territoires de la transition, co-construits avec les habitant.es, dans le respect des ressources naturelles ainsi que des patrimoines bâtis, écologiques et sociaux.
Candidat.es, faites de votre mandat une aventure unique. Réhabilitez, intensifiez, transformez !
Nous serons à vos côtés sur la voie de la transition pour vos projets de réamenagement. Contactez Francesco Pirri, expert urbanisme.
[1] Cet article ne vise pas à rentrer dans le débat sur la validité de cette hypothèse, et nous citons plutôt le travail en cours par Martial Foucault et Pierre-Henri Bono (Sciences Po, CEVIPOF), qui sera publié par l’IDHEAL au dernier trimestre 2025.
NDLR : Les projets cités dans cette article font partie des lauréats des Trophées de la Sobriété Foncière et Immobilière de l’ADEME, démarche animée par Auxilia, Ultra Laborans et Ibicity. Pour en savoir plus sur les lauréats.
Idée #1 : Livraisons, cantines, restos : comment faire basculer son territoire vers le zéro plastique – Auxilia Conseil
Cet article a été publié dans notre newsletter Réveiller nos futurs de septembre 2025 consultable ici.
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