Pollution de l’air et précarité mobilité : des enjeux structurels
La ZFE, malgré ses imperfections, a le mérite de mettre en lumière une problématique de mobilité que rencontrent de nombreux·ses Français·es: l’impératif de se rendre vers les centres urbains pour travailler ou avoir accès à des services, avec un mode de transport souvent subi (et non choisi faute d’offre alternative) – la voiture individuelle -, source de coûts économiques, énergétiques et en termes de qualité de l’air. Au-delà, il est essentiel de rappeler que 10 millions de Français.es de plus de 18 ans sont en précarité de mobilité, auxquels s’ajoutent 5 millions n’ayant accès à aucun équipement de transport à titre individuel (Baromètre des Mobilités du Quotidien, 2023) . Parallèlement, la pollution de l’air reste également un enjeu de santé publique majeur à l’origine de nombreuses maladies respiratoires, cardiovasculaires ou métaboliques. Santé Publique France estime par exemple qu’entre 12 et 20 % des nouveaux cas de maladies respiratoires chez l’enfant sont attribuables annuellement à une exposition à long terme à la pollution d’origine anthropique en France hexagonale.
Avant même leur mise en place dans certaines métropoles, la suppression d’aides et de mesures d’accompagnement à la mobilité n’a pas aidé à rendre les ZFE plus justes pour les ménages les plus précaires, souvent propriétaires des voitures anciennes concernées en priorité par l’interdiction de circulation et dans l’impossibilité financière de changer ces dernières.
Construire un système de mobilité alternatif, juste et inclusif
La cristallisation du débat sur la ZFE, nouveau symbole de politiques environnementales injustes socialement, réaffirme la nécessité de structurer et renforcer un « système » de mobilité alternatif à la voiture. Du fait de la hauteur de la marche, celui-ci devra forcément être extrêmement ambitieux dans le passage à l’échelle de solutions existantes permettant de reproduire à la fois le caractère “fluide” de la voiture et sa couverture de “bout en bout”.
Comment alors penser un futur de la mobilité permettant à la fois de lutter contre la pollution de l’air tout en garantissant à toutes et tous la possibilité de se déplacer ? Il n’est pas ici question de repartir de zéro mais au contraire d’agir rapidement et efficacement à partir de méthodes déjà éprouvées.
L’Exploration “Familles ZFE” lancée en 2023 par Auxilia pour appréhender concrètement les impacts sociaux des ZFE a permis d’identifier plusieurs leviers susceptibles de limiter les impacts négatifs de cette mesure ou de toute autre action visant à contraindre l’usage de la voiture dans les territoires urbains. La réalisation systématique d‘évaluations socio-spatiales approfondies se révèle par exemple incontournable pour identifier en amont les zones de vulnérabilité mobilité. Ce travail de diagnostic approfondi doit ensuite servir de boussole pour renforcer l’efficacité des politiques d’accompagnement et de conseil en mobilité en articulant couverture complète du territoire et structuration d’antennes “physiques” au plus des des ménages particulièrement vulnérables. Il permet également d’éclairer la mise en place de stratégies « d’aller-vers» pour cibler en priorité les ménages invisibles.
Intégrer les territoires périphériques dans la transition écologique
Les territoires périphériques ne doivent également pas être oubliés, alors qu’ils sont très dépendants des centralités urbaines et qu’ils souffrent de l’absence de solutions de mobilité de proximité. Les travaux d’Auxilia sur différents territoires notamment ruraux en régions Hauts-de-France ou Provence-Alpes Côte d’Azur montrent qu’il est possible de structurer une offre de mobilité coordonnée entre acteurs (AOM, opérateurs de transport, acteur·rice·s de la mobilité solidaire, etc.), de l’échelle très locale à celle du bassin de mobilité, en s’appuyant par exemple sur des dispositifs de mobilité innovants et frugaux tels que le transport d’utilité sociale, l’autopartage simplifié ou encore le renforcement des services autour du vélo.
Cette expertise et ces méthodologies constituent une grille de lecture à même de permettre une juste articulation entre la nécessité de garantir à toutes et tous l’accès à la mobilité tout en réduisant au plus vite ses externalités négatives (pollution de l’air, émissions de GES, bruit, sédentarité, etc.). Qu’il s’agisse de ZFE ou d’autres leviers tels que les zones à trafic limité ou la piétonisation de certains axes routiers, il reste essentiel de travailler activement à l’inclusion des personnes vulnérables dans la mise en place de tels dispositifs. Négliger cette dimension, autant par la mise en place de dispositifs lacunaires que par l’omission partielle ou totale du sujet, risque seulement de renforcer les inégalités existantes.