ZAN :  Contrainte ou opportunité pour un urbanisme de transition ?

Alors que la Zéro Artificialisation Nette (ZAN) émerge comme un impératif environnemental, les collectivités territoriales font face à un défi de taille : concilier les exigences de cette loi avec leur politique de gestion du territoire déjà mis en place. Entre réticences et recherches de solutions, cet article met en lumière les enjeux rencontrés par les politiques locales, les solutions pour les zones d’activités ainsi que le lien avec la compensation foncière et écologique. Comment ces mécanismes peuvent-ils être maniés dans le cadre de la loi ZAN d’ici 2050 sans compromettre le développement économique ?

Votre auteur et interlocuteurFrancesco PIRRI

Francesco PIRRI

Consultant Urbanisme

Les collectivités territoriales face à la ZAN

Réticence ou manque de soutien pour atteindre l’objectif ?

Selon la commission économique, en 2022 près de 72 % des collectivités territoriales s’estiment insuffisamment informées sur la ZAN (Zéro Artificialisation Nette). Elles font face à des défis variés et ont fixé leurs objectifs à horizon 2030 en faisant des choix différents en matière de taux de réduction et de territorialisation des objectifs.

Face à cette variabilité, et en considérant la nouveauté des mesures de réduction de l’artificialisation, il est normal de voir un départ à plusieurs vitesses où quelques communes ont encore besoin de soutien pour engager les réflexions et financer la mise en oeuvre de la loi. Même si il existe des exemples vertueux comme la commune de Sarre-Union, PETR Pays de Saverne Plaine et Plateau que nous accompagnons, qui a décidé de diviser par 4 les surfaces à urbaniser, versus la surface identifiée comme mobilisable pour l’activité, l’Appel à Manifestation d’Intérêt organisé par l’ADEME en 2022 a révélé que seulement 18 % des collectivités estimaient disposer de moyens humains et techniques suffisants.

Pour favoriser l’application massive de la loi, il est primordial de sensibiliser et d’accompagner les collectivités dans leur démarche de réduction des sols artificialisés. Cela passe notamment par la mise en place de dispositifs d’informations et de formation dans l’objectif de permettre aux élus locaux et aux acteurs concernés de mieux appréhender les enjeux de la loi ainsi que les solutions effectives.

Un accompagnement technique et méthodologique peut également s’avérer important.

Par exemple, il existe déjà de nombreux outils à disposition des collectivités, comme UrbanSimul, des données pour analyser les fonciers stratégiques et les méthodes d’analyse se multiplient. Chez Auxilia, nous avons développé une méthode pour identifier les dents creuses en centre-ville à partir des parcelles cadastrales et des données d’occupation de sol.

Toutefois, un gros travail reste à faire en termes de gouvernance et de réglementation. Le portage des EPF (Etablissement Public Foncier) est limité dans le temps et les collectivités doivent raisonner à horizon 25 ans sans avoir un réel moyen de sanctuariser à long terme les parcelles stratégiques pour le développement et les équipements de la commune. En coordonnant les acteurs du foncier, aménageurs publics et EPF, nos tre accompagnement permet notamment d’identifier des solutions de gouvernance, comme la cellule de veille de l’aménageur Sedia en Bourgogne-Franche-Comté.

Le but du programme d’accompagnement d’Auxilia dénommé “ Les territoires innovent” de 2020 à 2024 était de valoriser les initiatives territoriales et de les faire essaimer sur le territoire breton avec deux focus : redynamiser les centres-bourgs et préserver la ressource foncière. Les réflexions ont porté sur :

  • la revitalisation des centres-bourgs,
  • la lutte contre la vacance commerciale,
  • les partenariats pour la connaissance et la rénovation du patrimoine bâti en centre-bourg, foncière intercommunale, bâti privé,
  • le recyclage du foncier et l’optimisation des gisements fonciers,
  • DPU, ZAD et acquisition de foncier en état d’abandon manifeste,
  • l’optimisation du foncier économique en ZAE : renouvellement et restructuration,
  • le réinvestissement des friches urbaines et l’équilibre financier des projets sur des friches urbaines,
  • les schémas de gestion durable du foncier et « BIMZA » (Build In My Zone d’Activité).

Nos axes de développement sont de concevoir et mettre en place des stratégies de sobriété foncière tant en contexte littoral que dans les zones d’activités économiques, d’accompagner des territoires pilotes de sobriété foncière, ainsi que de penser la compensation foncière.

Les solutions pour les zones d’activités 

Comment exploiter ce qu’on a pour développer la ville et adapter ces types de territoire ?

Nos zones d’activités sont (25,35 %) la 2e cause de l’artificialisation des sols après l’habitat 67,38 %. La question qui se pose est alors « Comment faire de la transformation des ZAE situées en entrée de ville un facteur de transition écologique ? »

Elles présentent des limites, à la fois dans leur usage et dans l’interface avec les habitants, et pour les occupants eux-mêmes : pas ou peu de services de proximité, de transport en commun et peu de coordination entre les différents acteurs et gestionnaires locaux.

Les zones d’activité sont souvent perçues comme des lieux du passé, elles ont besoin d’être réinventées. Francesco PIRRI, Consultant Urbanisme, Auxilia

Si le foncier économique est au cœur des préoccupations des élus, il reste difficile à cerner car il couvre différents domaines : commerce, activité, centre-ville et entrée de ville. De plus, l’indicateur de densité résidentielle semble obsolète, de nouveaux indicateurs sont à concevoir en tenant compte de leur apport économique à la collectivité et à la communauté.

La comptabilité du ZAN ne s’applique pas parfaitement donc à ce type de secteurs. Une activité, même plus cconsommatrice en foncier pourrait avoir un impact très bénéfique sur le secteur industriel/commercial. Les réflexions deviennent donc plus complexes et il faut savoir combiner contraintes réglementaires et techniques avec la connaissance du territoire, de ses besoins et de son écosystème économique. En particulier, le dialogue public-privé est un élément fondamental en créant des espaces de dialogue entre acteurs.

Cependant, des solutions sont toujours pertinentes pour diminuer l’impact foncier des zones d’activités économiques : végétalisation, mutualisation de la gestion des espaces verts, réorganisation des espaces intérieurs, partage d’espaces communs, autoconsommation collective d’énergie, régulation des rythmes de production pour synchroniser les activités de la zone, recours aux transports en commun pour réduire les surfaces dédiées aux parkings, et bien plus encore. Ces actions ont certainement un impact et sont disponibles dès aujourd’hui pour les collectivités et les entrepreneurs qui souhaitent faire évoluer leur zone d’activité.

Compensation foncière & écologique

Une nécessaire articulation ?

Le troisième et dernier stade de la séquence dite ERC (Éviter / Réduire / Compenser) est la compensation. En priorité, il convient d’éviter les impacts, tout ce qui n’aura pu être évité doit être réduit au maximum, et ce qui n’aura pu ni être évité, ni réduit, devra faire l’objet de compensations visant un objectif d’absence de perte nette, voire de gain environnemental.

La compensation environnementale est inscrite dans la loi, avec un nouvel élan donné par la loi Grenelle de l’environnement et la réforme de l’évaluation environnementale en 2016. La Loi Climat et Résilience s’intègre donc dans ce contexte. Ce type de compensation apparaît comme un outil efficace pour réduire les dégradations infligées à l’environnement et revégétaliser des espaces artificialisés. Cependant, à ce jour, la compensation foncière n’est pas encore articulée avec la compensation environnementale, même après la publication des décrets d’application de la loi.

Il est possible que certains sites potentiels de renaturation puissent répondre à ces deux mécanismes, voire aux objectifs de compensation carbone. Ausii étudier les conditions et les typologies d’espaces pouvant accueillir des mesures compensatoires pérennes et ayant de réelles plus-values en matière de préservation des sols, de la biodiversité et de stockage de carbone est important. Evitons les approches en silo et les contradictions entre les stratégies de compensation même si l’identification des facteurs de conflit d’usage est un travail encore en cours pour ce qui concerne l’intégration de la compensation carbone et ses labels.

L’objectif de la loi Zéro Artificialisation Nette à horizon 2050 ouvre la voie à la compensation puisque toute artificialisation des sols devra désormais faire l’objet d’une compensation. À ce titre, le sol devient, au même titre que la biodiversité et les forêts, un bien à protéger en cas d’atteinte.

En conclusion,

La ZAN est un vrai perturbateur des « manières de faire la ville » avec un fort impact écologique : on pourra simplement se contenter de faire de la comptabilité foncière et chercher les équilibres entre parcelles, ou engager un travail de réflexion autour d’une manière nouvelle d’aménager la ville, qui intègre les analyses environnementales et écologiques, la gestion économique des ressources bâties et d’espaces et les enjeux sociaux d’une mutation dans les formes urbaines.

Dans la suite de cette réflexion, consultez cet article : Transformer les ZAE en outil de développement économique des territoires.

Consultez également notre rubrique URBANISME.

Propos recueillis par Carole Nguessan, chargée de communication chez AUXILIA.

Pour rappel : 

Image résumant les délais d'intégration des objectifs de réduction de l'artificialisation dans les documents d'urbanisme

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