Comment changer les modes de vie pour atteindre la neutralité carbone ?

En décembre 2021, Auxilia vous informait de la réalisation de quatre scénarios sur les modes de vie permettant d’atteindre la neutralité carbone (voir article ici). Place aux résultats maintenant !

Votre auteur et interlocuteurSamuel SAUVAGE

Samuel SAUVAGE

Directeur de projets Economie circulaire et Numérique responsable

Quatre scénarios inégalement perçus

Auxilia est fier d’avoir contribué à l’étude sur la traduction des scénarios du programme Transition(s) 2050 en modes de vie, en partenariat avec Julie Rieg et Mathieu Surrel, dont les résultats ont été publiés récemment par l’ADEME.

En fin d’année 2021, l’ADEME a publié les principaux résultats du programme Transition(s) 2050, présentant quatre scénarios qui permettraient à la France d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. Chaque scénario s’appuie sur des trajectoires différentes, mettant l’accent sur des leviers divers (sobriété, gouvernance, technologies). L’ADEME a publié 11 feuilletons permettant de creuser les différents aspects de ce vaste programme (effets macro-économiques, impacts sur différentes filières, adaptation au changement climatique, territoires, etc.). L’un de ceux-ci porte sur les évolutions de mode de vie qu’implique chaque scénario,généralement peu pris en compte dans les exercices prospectifs. Concrètement, chaque scénario a fait l’objet d’une mise en récit sous forme de texte et d’images interactives pour représenter différents domaines des modes de vie.

Dans le scénario « génération frugale », certains répondants mettent en avant la mise en œuvre de nouveaux liens sociaux et de nouvelles formes de gouvernance localisées comme des éléments positifs alors que d’autres redoutent une forme de repli communautaire au détriment de l’individu.

Le scénario « coopération territoriale » repose sur le développement de pratiques de sobriété par la mutualisation (objets, lieux, services) ainsi que sur une re-politisation des citoyens s’appuyant sur de nouveaux cadres de décisions et d’actions collectives. Plusieurs répondants se sentent disposés à payer davantage d’impôt en échange de services publics de meilleure qualité. Cependant, comme pour le premier scénario, d’autres répondants craignent un encadrement trop fort, notamment en termes de restrictions de la consommation.

Le scénario « technologies vertes » est perçu comme proche de la situation actuelle. Les solutions techniques, et notamment les outils numériques, divisent les répondants, entre ceux qui les considèrent insuffisantes face aux enjeux ou déshumanisantes et ceux qui voient une opportunité pour mieux suivre et donc maîtriser leurs impacts environnementaux.

Le scénario « pari réparateur » apparaît comme peu probable car il s’appuie sur des développements technologiques importants (captage et stockage carbone, voiture autonome, robotisation, production alimentaire en laboratoire), qui sont perçus comme peu matures et ayant des impacts sociaux et environnementaux négatifs.

Des conditions de réalisation

La mise en parallèle des quatre scénarios permet de mettre en évidence les conditions collectives pour piloter la transition.

  1. En premier lieu, les responsabilités et les efforts doivent être partagés entre les acteurs. Les répondants estiment que les décideurs politiques doivent impulser les transformations. Les entreprises doivent également contribuer à réduire leurs impacts environnementaux, par exemple avec des aides de l’Etat et des taxes pour celles ne respectant pas les règles.
  2. Les scénarios, surtout « génération frugale » et « coopération territoriale » impliquent des changements collectifs de pratiques et de mentalités, pouvant entrer en conflit avec les intérêts individuels et le besoin de liberté exprimé par certains. Si la sobriété est plébiscitée par beaucoup de répondants, sa mise en œuvre, passant par la mutualisation de biens et d’espaces, est plus difficile à envisager car elle suppose une mise en avant du collectif par rapport à l’individu. En effet, à l’échelle individuelle, plusieurs pratiques sont difficiles à imaginer : l’habitat partagé, l’autopartage, la restriction de la consommation de certains produits (café, chocolat). Parallèlement, le recours à des outils réglementaires de type « quota carbone » partage les répondants, entre la recherche d’équité et la perte de liberté individuelle. Face à ces tensions, plusieurs conditions de faisabilité ont été proposées. D’une part, pour accompagner les changements de pratiques, il est nécessaire d’élaborer des règles partagées sur les droits et les devoirs de chacun dans le cadre de la mutualisation et de la location d’équipements mais aussi de développer les offres de services afin que les individus soient en mesure de se projeter et d’expérimenter (ex : service de mobilité). D’autre part, la question est de trouver l’équilibre entre intérêt collectif et intérêt individuel, en proposant des outils de politique publique répondant aux exigences de justice sociale, d’adaptabilité aux situations de chacun et de transparence. En revanche, les solutions techniques des scénarios « technologies vertes » et « pari réparateur » sont peu appréciées, jugées insuffisantes face aux enjeux, improbables, et/ou déshumanisantes. Par exemple, certains répondants s’interrogent sur le recyclage des batteries de véhicules électriques. D’autres redoutent que le numérique entraîne une intrusion trop forte dans le quotidien et une marchandisation des données. La robotisation, conduisant à la suppression d’emplois, est également perçue comme une forte source d’agrandissement des inégalités sociales et de délitement des liens sociaux. Plus spécifiquement, dans le quatrième scénario, les promesses technologiques (captation de carbone, voiture autonome, production alimentaire en laboratoire) génèrent des doutes, voire des angoisses.
  3. Les répondants ont besoin de savoir qu’ils ont la possibilité de s’exprimer face à aux enjeux et aux décisions qui les concernent. Cette observation doit amener des réflexions sur de nouvelles formes démocratiques pour mettre en débat les tensions précédentes. Dans ce sens, un système de délibération collective directe et transparente permettrait aux personnes concernées de participer aux décisions, de partager les situations particulières et de s’accorder sur des mesures de limitation et de restriction acceptables pour les individus.

Autant d’observations à intégrer dans le défi majeur de ce siècle.

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