
En tant que chefs de file du développement économique, il était naturel que les Régions s’emparent progressivement de la question de l’économie circulaire. Auteur, pour l’Association des Régions de France et l’Ademe, du guide des stratégies régionales d’économie circulaire, Auxilia plaide pour la pertinence de cet échelon depuis plusieurs années. Pourtant, jusqu’à 2015, rares étaient celles qui lui consacraient des politiques à part entière. Depuis, la loi NOTRe a rendu les Régions compétentes en matière de planification des déchets : ces dernières sont dorénavant chargées d’élaborer un « Plan régional de prévention et de gestion des déchets » (PRPGD) qui doit par ailleurs spécifiquement inclure « un plan régional d’actions d’économie circulaire ».
L’imbrication du « plan régional de prévention et de gestion des déchets » (PRGPD), document soumis au contrôle de légalité, avec le « plan d’actions d’économie circulaire », à la forme plus souple, a donné le tournis à de nombreuses administrations. En effet, comment dissocier les actions de prévention des déchets de celles d’économie circulaire, pour éviter les redites ? Les périmètres, largement étanches, ont poussé les Régions à effectuer des focus thématiques dans le cadre des plans d’actions d’économie circulaire, à l’instar de la Normandie, Région qui a souhaité y approfondir certaines « boucles » d’économie circulaire.
Une stratégie pour sortir du casse-tête
Face à ces difficultés d’ordre règlementaire, l’accompagnement de la Région Bourgogne Franche-Comté a permis de trouver des sorties par le haut. La première consiste à dépasser les cercles habituels de concertation, en associant largement les collectivités, la société civile et les entreprises (plus de 100 participants lors de 2 forums en 2018), en partenariat avec l’Ademe et l’Etat. Cette démarche s’est couplée à la mise en place d’une plateforme en ligne de participation citoyenne. Au-delà de la forme, cette option méthodologique est porteuse de sens : elle rappelle qu’aucune Région ne peut être porteuse, seule, d’une transition vers une économie circulaire, d’où l’importance de mobiliser les actions émanant des collectivités de rang inférieur ou de la société civile.
Deuxièmement, la Région a souhaité donner de la hauteur à la politique régionale d’économie circulaire. D’une part, en insufflant du fond à travers des conférences délocalisées ou l’intervention d’experts tels que Dominique Bourg. D’autre part, en décidant de s’engager dans une « stratégie d’économie circulaire », qui verra le jour en 2019. Celle-ci reposera sur une analyse de l’état des ressources du territoire effectuée par Auxilia : qu’il s’agisse de l’air, de l’eau, de la biomasse ou encore des minéraux, quels sont les stocks et la qualité de ces ressources dans la région ? Des fiches synthétiques ont permis de mettre en lumière les principaux enjeux auxquels doit répondre cette économie des ressources. Les questions d’artificialisation des terres (2000 hectares par an !) ou de qualité de l’eau sont ainsi apparues comme des sujets primordiaux (seulement 25% des masses d’eau superficielles de la région sont en bon état écologique).
Des actions sur toutes les briques de l’économie circulaire
Enfin, et surtout, l’affirmation d’une politique régionale d’économie circulaire doit nécessairement s’inscrire dans une vision transversale des compétences des Conseils régionaux. Seule une véritable stratégie peut mettre en cohérence les différentes briques d’une politique régionale, allant bien au-delà des politiques environnementales liées aux déchets. Ainsi, l’accent en Bourgogne Franche-Comté a été mis sur trois axes complémentaires :
- La réorientation des politiques économiques, en fixant de nouveaux objectifs aux « contrats de filière », en conditionnant les aides ou en soutenant les initiatives vertueuses issues de l’ESS. A travers les moyens qu’elles octroient mais également le cap qu’elles tracent, les politiques publiques constituent un outil majeur pour accompagner la mutation d’un territoire. La Région va ainsi faciliter l’émergence d’activités sobres en ressources et l’inclusion de la question de l’économie circulaire au cœur des entreprises existantes et des filières à enjeu : agriculture, sylviculture, bâtiment, automobile, emballage, etc. Aussi, à travers ce premier axe, la Bourgogne Franche-Comté lance-t-elle un message fort et les premières pierres d’une spécialisation territoriale basée sur l’économie des ressources.
- La transition régionale vers une économie circulaire, à travers des actions de sensibilisation et de formation des acteurs ;
- L’accompagnement des démarches territoriales, à travers l’animation des réseaux locaux, la commande publique et l’appui aux collectivités ;
Transformer l’essai
La stratégie régionale d’économie circulaire, et à travers elle, la modification profonde de l’offre et la demande, ne se feront pas du jour au lendemain. Plusieurs obstacles sont en effet de taille, liés en particulier au caractère nécessairement transversal de l’économie circulaire et à l’urgence de la transition écologique : comment transposer concrètement cette stratégie aux délégations qui s’en trouvent affectées, notamment les politiques de développement économique ? Néanmoins, si ceci requerra un travail de pédagogie et le développement d’une culture partagée autour de l’économie circulaire, la Région s’est bel et bien mise en ordre de marche. Et la Bourgogne Franche Comté n’est pas seule : d’autres Régions ne s’en sont pas tenues au PRPGD et se sont engagées dans une véritable stratégie territoriale. C’est un signal positif que nous observons partout en France : les collectivités apparaissent de plus en plus convaincues du caractère indispensable de la transition, mais également des opportunités qu’elle offre pour les territoires et leurs habitants.