
« Et si on accompagnait mieux les agriculteurs aux changements de pratiques vers l’agroécologie ? Et si on sensibilisait les habitants à manger responsable dès le plus jeune âge ? » Voici énoncés deux des 17 objectifs stratégiques du Groupe d’action local (GAL) Sud Mayenne pour son Projet Alimentaire Territorial (PAT). Préservation et développement des espaces agricoles, valorisation d’un mode de production agro-écologique, élaboration de circuits courts entre production locale et consommation locale… Tels sont les éléments qui constituent la charpente du PAT en Sud Mayenne.
Les Projets Alimentaires Territoriaux (PAT) Nés de la Loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt du 13 octobre 2014 et conçus comme des outils pour les collectivités territoriales pour développer le « manger local » sur leur territoire, les PAT répondent aux objectifs du Programme National pour l’Alimentation et aux objectifs des plans régionaux de l'agriculture durable1. Ils « visent à rapprocher les producteurs, les transformateurs, les distributeurs, les collectivités territoriales et les consommateurs et à développer l'agriculture sur les territoires et la qualité de l'alimentation ». Qu’apporte ce nouveau dispositif ? Concrètement, le PAT est un cadre de concertation et de réflexion sur la « reterritorialisation » des activités qui touchent de près ou de loin à l’alimentation. Ils font également partie d’un réseau national (RnPAT) qui favorise « la co-construction et la mise en œuvre partagée des projets alimentaires territoriaux »2. |
L’agriculture et l’alimentation, leviers de l’atténuation du changement climatique
L’aventure commence en 2009 lorsque les trois communautés de communes du Sud Mayenne (Pays de Craon, Pays de Château-Gontier et Pays de Meslay-Grez) entament une réflexion sur leur capacité à atténuer le changement climatique et à s’adapter à ce changement à l’échelle de leur territoire. Cette réflexion s’inscrit dans le cadre d’un Plan Climat Energie Territorial (PCET lancé officiellement en 2012, suivi depuis 2017 d’un PCAET). Si le PCET comprend des objectifs tels qu’une plus grande autonomie énergétique de l’agriculture et le développement des circuits courts de produits bio et locaux, les élus estiment qu’il faut aller plus loin, d’autant que la demande des consommateurs est bien réelle : « L’enquête aux ménages menée entre novembre 2017 et février 2018 a montré une appétence des consommateurs pour des produits de saison, locaux, bio ou labels, et cela impacte nécessairement la chaîne alimentaire de notre territoire » exprime Vincent Saulnier, président du GAL Sud Mayenne.
Berceau de productions d’élevage (lait, viandes) et de cultures (céréales, fruits), le Sud Mayenne est riche d’un maillage dense de fermes familiales en polyculture-élevage, connectées à des industries agro-alimentaires puissantes implantées de longue date dans le secteur (groupes Lactalis, Savencia Fromage & Dairy – ex-Bongrain, LDC).
Cette force de production agricole permettrait d’alimenter l’équivalent de 4 fois la consommation de la population sud-mayennaise en viande, et 34 fois en produits laitiers. Pourtant, à l’heure actuelle seuls 7% des producteurs sud-mayennais alimentent directement les consommateurs de territoire : la marge de progrès est grande pour la relocalisation des circuits alimentaires ! Le Sud Mayenne souhaite non seulement rapprocher le champ de l’assiette (« manger local »), en évitant les transports dispendieux en énergie et en gaz à effet de serre, mais le GAL tient également à promouvoir la montée en gamme de la qualité des produits, partie intégrante du vocable « manger durable ».
Mettre autour de la table l’ensemble des acteurs de la chaîne alimentaire
Depuis son démarrage fin 2017, plus de 3000 habitants ont participé, de près ou de loin, au PAT. Le dispositif a réuni près de 150 acteurs lors des réunions et ateliers de concertation : élus, producteurs, transformateurs, artisans-commerçants, distributeurs et consommateurs. A partir d’un diagnostic des enjeux alimentaires réalisé par Auxilia, ces acteurs se sont prononcés sur les grands objectifs stratégiques qu’ils souhaitaient se fixer pour l’agriculture et l’alimentation de leur territoire. Ces objectifs vont être opérationnalisés et déclinés en plan d' actions à mettre en œuvre fin 2018. « Il faut du concret très rapidement, témoigne Vincent Saulnier, président du GAL Sud Mayenne, sinon nous perdons la dynamique d’engagement sur le territoire. Et en même temps, l’impatience d’agir ne doit pas nous faire griller les étapes de concertation pour mûrir un projet en cohérence avec les attentes du territoire ».
Concevoir l’alimentation comme une thématique transversale bouscule les pratiques habituelles et constitue un autre défi pour les collectivités territoriales. Elles prennent à nouveau conscience que l’agriculture est une activité économique à part entière, avec un potentiel de développement économique comme pour les secteurs industriels ou tertiaires.
Auxilia, un regard global pour agir local
En Sud Mayenne, Auxilia anime la concertation et propose des modes d’animation qui font réfléchir « hors des sentiers battus ». Il y avait un besoin d'interconnaissance, de sensibilisation aux enjeux et bénéfices d'une alimentation locale durable, auquel Auxilia a répondu en créant des rencontres les acteurs de chaîne agri-alimentaire. Notre expertise et nos compétences en animation ont permis à ces mêmes acteurs de construire étape par étape un projet collectif, cohérent, et ancré sur un territoire en tenant compte des caractéristiques alimentaires.
Nous avons également proposé d’évaluer la « facture alimentaire », inspirée par le « convertisseur alimentaire » élaboré par Terre de Liens et la « facture énergétique » déjà mise en place par Auxilia et Transitions. La facture alimentaire constitue un bilan chiffré (en tonnes et en euros) des capacités de production agricole et de consommation en produits alimentaires, sur une année, et à l’échelle d’un territoire donné. Elle permet de donner à réfléchir quant au poids (chiffre d’affaires) de l’alimentation dans les échanges économiques des territoires, de préciser l’importance de certaines filières pour le territoire, ou de pondérer à l’inverse d’autres secteurs (exemple de la restauration collective), et finalement d’approcher les flux alimentaires d’un territoire (ordres de grandeur).
Elle donne à voir globalement le niveau de dépendance ou d’autonomie alimentaire du territoire vis-à-vis de l’extérieur et le niveau d’équilibre de la production locale par rapport à sa consommation annuelle.
« Ce sont des chiffres qui nous ont fait réagir vraiment fortement, indique Vincent Saulnier, notamment sur la fuite de valeur pour notre territoire. Toute l’alimentation que nos administrés achètent en provenance de l’extérieur ne crée pas de valeur pour notre territoire, alors que nos producteurs sont tout à fait en capacité de produire cette nourriture. Cela nous a également permis d’identifier un besoin en production maraîchère ».
A l’instar de ce territoire, des collectivités ont missionné Auxilia pour les accompagner dans des démarches de projet autour de l’alimentation (Rouen Métropole, Le Mans Métropole, la communauté d’agglomération de Maubeuge-Val de Sambre, Metz Métropole, pour n’en citer que quelques-uns), signes que l’alimentation est bien inscrite au menu des territoires !
Pour en savoir plus
Le GAL Sud Mayenne : http://gal-sud-mayenne.com/
Le réseau RnPAT : http://rnpat.fr/le-projet/presentation/
Bibliographie sur les systèmes alimentaires territorialisés :
Chiffoleau, Y., et Paturel, D. « Les circuits courts alimentaires « pour tous », outils d’analyse de l’innovation sociale », Innovations, vol. 50, no. 2, 2016, pp. 191-210.
Lamine Claire, Chiffoleau Yuna, « Reconnecter agriculture et alimentation dans les territoires : dynamiques et défis », Pour, 2012/3 (N° 215-216), p. 85-92. DOI : 10.3917/pour.215.0085. URL : https://www.cairn.info/revue-pour-2012-3-page-85.htm
Maréchal, G. (éd), 2010. Les circuits courts alimentaires. Bien manger dans les territoires, Educagri, Dijon, 213 p.
Rastoin, J.-L., 2014. « Les systèmes alimentaires territorialisés : quelle contribution à la sécurité alimentaire ? Introduction ». Séance de l'Académie d'Agriculture de France. Les systèmes alimentaires territorialisés : quelle contribution à la sécurité alimentaire, Paris, France. 3 p., 2014. https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01506345
Auxilia a construit et mis en ligne un questionnaire d’enquête à destination des ménages sur leurs pratiques de consommation alimentaires, auquel 817 familles du Sud Mayenne ont répondu.
- 1. Loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000029573022&categorieLien=id
- 2. Cf Article L1 III, Article 39.