
Comment faire de son passé industriel une ressource pour se tourner vers l’avenir ? Roubaix souhaite, à travers sa stratégie de « Ville Nourricière », donner une nouvelle vie à ses nombreuses friches en les dédiant à l’agriculture urbaine. Une orientation innovante et judicieuse mais source de nombreux défis, qu’ils soient d’ordres techniques, environnementaux ou budgétaires.
En 2016, Roubaix s’est lancé le défi de convertir ses friches en sites d’agriculture urbaine. A terme, l’objectif de ce projet, baptisé « Ville Nourricière », est de nourrir 10% de sa population en produits locaux, frais et de saison. Dans un contexte particulièrement difficile (45% des roubaisiens vivent sous le seuil de pauvreté), les enjeux sont multiples et majeurs : améliorer le cadre de vie, améliorer la santé des populations et développer des activités économiques. « Cette stratégie répond également à une demande politique forte de dédensification afin d’aérer le tissu urbain et industriel, dans le but d’apporter toujours une meilleure qualité de vie », indique Audrey Leclercq, responsable du service Développement durable à Roubaix. Pour accompagner Roubaix dans sa démarche et développer une stratégie sur-mesure, adaptée aux besoins spécifiques de la ville, Auxilia a mobilisé plusieurs experts.
Gestion particulière des sols pollués
En matière d’agriculture sur friches, la difficulté principale réside dans le fait que chaque parcelle est à l’image de son histoire : unique, avec éventuellement son propre cocktail de polluants. Il s’agit alors de gérer le risque, plus que la contamination en elle-même. Un exercice d’autant plus délicat que le niveau de pollution peut évoluer avec le temps et que les polluants sont plus ou moins transmissibles selon les espèces cultivées.
Pour caractériser cette pollution, la méthodologie en vigueur en France n’est pas particulièrement adaptée aux spécificités de la situation roubaisienne. Elle risque en effet de mener à des conclusions hâtives entrainant des abandons de sites ou des processus de dépollution longs et coûteux.
Le groupe d’étude mené par Auxilia a donc travaillé sur une nouvelle méthodologie, graduelle en fonction du niveau de risque et basée sur l’observation de chaque parcelle. Du cas par cas donc, qui offre plus de précision dans les préconisations. Différents modes opératoires ont ainsi été élaborés pour les sites pérennes ainsi que pour les sites temporaires. Cette méthodologie permet de déterminer le type de culture adapté à chaque parcelle : hors sol ou pleine terre, avec ou sans dispositions particulières.
Différentes techniques de traitement des risques sur les sols
La ville souhaite à la fois améliorer la qualité des sols, être en cohérence avec la démarche Zéro Déchet, à moindre coût. Il existe de nombreuses solutions de dépollution des sols, qui peuvent être très longues ou très couteuses :
Par exemple les phytotechnologies (utilisation de plantes vivantes) peuvent stabiliser les polluants inorganiques type métaux. Il faut compter entre 35 et 60 ans pour une véritable décontamination, un délai incompatible avec l’agriculture urbaine.
L’étude a mis en évidence une approche économique, naturelle et compatible avec plusieurs types de friches : l’usage du compost urbain, ou des drèches (issues des brasseries), qui permet de stimuler la dégradation des polluants organiques, en plus d’améliorer la qualité agronomique et constituer un débouché pour les bio-déchets de la ville. En complément, la ville aura grand intérêt à lancer un programme de recherche « low-tech », pour renforcer cette approche innovante.
Solutions concrètes pour devenir ville nourricière
L’étude a permis de déterminer une typologie précise des différentes parcelles présentes sur Roubaix. Huit types d’espaces ont été identifiés, allant de l’angle de rue à la friche de plus d’un hectare. A chaque catégorie correspondent une ou deux propositions d’aménagement. Au total, près de 15 hectares disponibles ont été repérés. La majorité des parcelles s’étalant sur plus de 1000 m2, elles seront propices à l’installation d’une petite activité économique. Trois sites pilotes ont par ailleurs été sélectionnés pour un test grandeur nature.
A ces préconisations techniques s’ajoutent des considérations pédagogiques et écologiques : démarche Zéro Déchet, gestion positive des sols, organisation d’événements sur site…
Le succès de la stratégie ville nourricière de Roubaix reposera aussi sur son ancrage territorial. Il s’agit de mobiliser et former la population locale, particulièrement ceux qui s’impliquent dans la gestion régulière d’une parcelle, dans un jardin familial ou partagé. Pour parvenir à une adhésion durable des acteurs, des modes de fonctionnements hybrides sont à développer en intégrant acteurs publics, privés, associations et citoyens. Enfin la viabilité économique des projets nécessite de diversifier les sources de revenus (fruits et légumes mais aussi produits transformés, vente de compost ou de plants, activités pédagogiques…), et de créer des synergies nouvelles localement (organisation de la production entre agriculteurs pour répondre à la demande locale, prêts de matériel entre fermes, mobilisation citoyenne lors des pics d’activité, contrat de vente avec les distributeurs locaux et les restaurants,..).
Auxilia, conseil en transition Pour réaliser cette étude qui s’est étalée sur 9 mois, Auxilia a mobilisé plusieurs spécialistes: l’ISA de Lille (agronomes spécialisés dans le traitement de sols pollués), l’Université de Gembloux (experts en agriculture urbaine), Urban Interstices (urbaniste), et Fermes d’Avenir (agronome et design en permaculture). Afin d’apporter des solutions réalistes, les acteurs locaux ont également été impliqués : porteurs de projets, maisons de quartiers, associations, bailleurs, entreprises... Tout au long de la mission, Auxilia s’est positionné en coordinateur pour assurer une véritable cohérence au projet. « En tant qu’assemblier, Auxilia a su rassembler, fédérer et faire travailler ensemble des personnes qualitatives et d’univers très différents, afin d’avoir de vraies ambition et opérabilité sur ce projet », détaille Audrey Leclercq. « De plus, ce sujet étant nouveau pour Roubaix, Auxilia nous a apporté une vraie valeur ajoutée de par ses connaissances et son savoir-faire. » |